BATAILLES - Thématique n°2 la Bataille de STONNE 1940
Batailles Thématique n°2 : La bataille de Stonne - 1940.
Un Thématique (toujours pas compris la différence avec les Hors-séries moi… sauf que les Hors-séries ont quasiment disparu !) de 82 pages (formats standard chez H&C) pour 9,95 € (c’est un TRES bon rapport qualité prix), avec seulement 3 pages de pubs internes (dont 2 sur des ouvrages pur Militaria : matos du GIs et surtout uniforme des aviateurs de la 8th Air Force….pas sûr que la stratégie marketing soit bien au point, mais bon allez savoir…), outre 4 pages sur le Musée de Semuy, tellement belles que j’ai envie d’y aller dès que je peux.
Stonne 1940 ! Que voilà un beau programme ! Et la couverture est pleine de promesses ! Une bataille acharnée, avec du « beau monde » des deux cotés, et près de chez nous en plus… que demander de plus ? ben en fait, si les français avait gagné cela aurait été parfait, mais bon on ne peut pas tout avoir…
Et justement, dès la 4ème de couverture, on a droit à un sous-titre qui laisse perplexe : « Une résistance héroïque de l’Armée française ». Comme je l’écrivais avant de partir au ski, Stonne est surtout une, voire la seule occasion de contrer la manœuvre de Manstein. Si la résistance de nos p’tits gars fut donc glorieuse, le problème est qu’au départ, ils devaient attaquer et non défendre… (enfin ils auraient dus car les ordres ne furent pas donnés comme il fallait et les initiatives pas prises quand il le fallait).
Passons outre à cette première (mauvaise) impression, j’ai donc ouvert un ouvrage plus qu’acceptable sur les points suivants :
- le sujet
- le détail des opérations (suivi et description, presque heure par heure)
- le style (alerte, dynamique, avec ce qu’il faut de citations « vécues » pour captiver le lecteur) qui « respire » la passion et les recherches de l’auteur
- les efforts graphiques, même si on est loin de ce que font « ceux d’en face » (la couverture est l’exemple type : le titre en « marron - caca », avec une photo inversée granuleuse en partie cachée par le B1bis « Toulal » pas complet….. bref raté pour le coup !). L’organisation des pages a notamment été améliorée, en tout cas je l’ai ressentie en évolution par rapport aux précédentes publications. Ce n’est pas parfait mais louable donc il faut le signaler…
- Enfin, ce que j’appelle le « standard H & C » : peu de « coquilles », erreurs ou autres, texte aéré (parfois trop), une iconographie très originale (surtout sur 1940)….
Voilà en gros ce que j’ai aimé.
Maintenant, passons au reste...
L’iconographie est parfois totalement inintéressante (j’ai compté 24 photos de paysage ou de maisons plus ou moins démolies sans aucun matériel équipement ou soldat… pas même un casque ! Si certaines photos apportent une idée du terrain, comme celle du fossé antichar p. 41, la plupart n’ont que très peu d’intérêt surtout avec plein de photos couleurs (7) en plus de « retour sur le terrain », ajoutez à cela 10 photos de tombes…), et surtout mal nettoyée, floue (p. 10 au milieu, 47 en haut….), voire carrément illisible ! Et certaines photos sont trop petites (celles du matos capturé à lafin, c'est rageant car on ne voit rien !)
Que dire de la page 56, où nous voyons ainsi 3 photos de ponts provisoires sur le canal des Ardenneslà où une seule aurait suffit.... Pour être juste, il faut aussi signaler quelques photos vraiment extraordinaires, mais perdues dans le lot...
Malheureusement, il manque des profils couleurs (s'agissant de combats entre blindés en mai 40, il eut été préférable de publier un Hors-série ou thématique GBM, non ? alors Militaria ? non plus…), et un ordre de bataille détaillé des autres unités engagées par les deux camps dans cette bataille acharnée. C'est ainsi que le lecteur devra chercher ailleurs la composition théorique des bataillons compagnies sections... (heureusement il y a les listes d'armée Section d'assaut ou Flames of war, et au pire Nafziger....) et surtout n'aura aucune info précise sur la composition réelle des unités (le célèbre et si rarement étudié "Ist" chez les allemands, souvent très éloigné du "Soll".... Et oui, moi aussi je lis Panzer Voran, je vous en parlerai un jour peut-être).
Les cartes tactiques sont bonnes et faites par l’auteur lui-même) mais ne comportent pas tous les lieux mentionnés (je n’ai pas trouvé le « Gros Boul » ? ni les bunkers inachevés et non utilisés - pour le Wargamer ce genre d’infos est importantes) ?
L’introduction est longue et partiellement hors-sujet (la bataille commence p. 19) et il manque cruellement une carte stratégique pour que le lecteur saisisse d’un seul coup d’œil l’importance de Stonne vis-à-vis de la route de Paris, des arrières de Maginot et de la manœuvre allemande. C’est un oubli très très dommageable, j’y reviendrai…
Dans cette introduction, la thèse « à la mode » (en tout cas chez H&C) est à nouveau démontrée : l’Armée française de 1940 n’a pas démérité (certes, elle avait les moyens de gagner mais elle a perdu quand même non ? à la limite, c’est encore plus grave pour ses chefs non ?).
L’intention est louable et légitime, mais de là à faire d’une armée vaincue sur tous les plans et dans tous les secteurs du combat une injuste « victime » de circonstances qui lui seraient presque étrangères…
Surtout quand derrière ce discours « cocardier » de la restaurant de « l’honneur perdu de nos p’tits gars de 40 », (discours sympathique au demeurant) se cachent d’autres idées plus difficiles à accepter, comme par exemple « l’avantage » de la dictature hitlérienne sur les démocraties (et leur temps de décision prétendument plus « long ») : c’est un « poncif » classique (développé dès 1941 d’ailleurs…) et à la mode (en ces temps de réforme parlementaire) mais un peu trop facile. Les militaires (officiers s’entend) ont été nuls et battus par leurs homologues allemands, et cela ce n’est pas de la faute de la démocratie mais de LEUR faute. En outre ce poncif est faux, les travaux d’analyse des décisions politiques démontrent en effet que les dictatures ont une apparence de rapidité de décision, mais que sur le long terme, les démocraties ont l’avantage (et heureusement d’ailleurs, sinon, comment on aurait fait pour la gagner la « Seconde » ?).
Autre poncif : l’Armée française était encore « fondée sur les principes de la guerre précédente ». Or la doctrine, les méthodes de commandement et les tactiques de 1940 montrent au contraire que l’on est loin de l’Armée victorieuse de 18. Il y a de grandes déviances (pour ne pas dire « dégénérescences ») après 1918 (dès les années 20 en fait). Le Hors-série 14-18 Magazine HS 1 L'armée française en 1918 le montre clairement.
Arrêtons donc pour « sauver » le vaincu de 40, d’enfoncer le vainqueur de 1918 !
Bref, vous l’aurez compris, dès la page 7, ce thématique m’est littéralement « tombé des mains ». Et je concède qu’il m’a fallut quelques efforts pour reprendre sa lecture, efforts qu’il méritât par la suite lorsqu’enfin, le texte fut dédié à la bataille elle-même…
Le Chapitre II appelé « avant la bataille de Stonne » fixe le cadre des premiers jours de la bataille. Cependant, il aurait mérité plus de détails car certaines questions restent en suspens. La taille standardisée à l'excès des textes H&C a peut-être engendré des coupures et des raccourcis qui nuisent à la compréhension. Le sujet aurait mérité plus de pages ou un traitement différent. C'est vraiment dommage ! Des exemples ? et bien :
- quid de la désobéissance de Guderian (envoi de la 10 Panzer sur Stonne – page 15), on n’a aucune explication, à part un "à contrecoeur" sorti de nulle part ?
- quid de la prise de revers de la ligne Maginot (évoquée également p. 15) : possibilité ? moyens des français de la contrer ?
Et surtout on ne sait absolument pas où se trouve Sedan par rapport à Stonne. Le manque d’une carte stratégique pour replacer la bataille dans le « mouvement de faux » des Panzer-divisions allemandes s’avère dramatique. Une seule suffisait… C’est rageant de devoir aller sur le net, ou fouiller dans la doc perso, pour pouvoir visualiser une donnée essentielle à la compréhension du texte. Surtout que par rapport aux photos couleurs de retour sur le terrain qui nous sont alignées « au kilo » et en grand format… je radote mais c’est pour montrer qu’il y avait la place (au cas où on nous ressortirait le sempiternel argument du manque de place…).
Le Chapitre III est appréciable, avec, ce qui est rare et très intéressant, la reproductions in extenso des ordres français. Le texte allie habilement les exposés et les témoignages pris dans les deux camps, et le lecteur et vite pris par un récit haletant. Je ne reviendrai pas sur l’iconographie, d’intérêt irrégulier, pour en revanche relever que le texte insiste sur les prises et reprises du village, qui en sont pas toujours évidentes à la lecture (un tank traverse le village… qui est donc « repris »… mais les français ne s’y maintiennent pas… j’exagère à peine). D’ailleurs, la propension des français à ne pas pouvoir tenir Stonne n’a pas d’explication (alors que les allemands l’occupent lorsqu’ils le tiennent). Je me doute qu’il s’agit d’une question de configuration tactique, mais ni sur les photos, ni dans le texte, on n’a d’éléments de compréhension là-dessus.
Le texte recèle quelques imprécisions : la 2. (mot.) Infanterie-division attaquant le bois du Mont-Dieu avec la 10. Panzer le 15 mai au matin ?.....
Enfin, il est dommage que les traditions du "terrible"(surnom du 51ème R.I. un des plus célèbres régiments de ligne de la Grande Armée) n'aient pas été évoquées... Même s'il ne fait pas partie de la 3ème D.I.M. qui a manifestement "tapé dans l'oeil" de l'auteur, puisqu’il y consacre le Chapitre IV, fort intéressant même s’il aurait été plus juste de faire la même chose pour les autres grandes unités… des deux camps (et en réduisant les poncifs éculés du début, on avait la place…)
Le chapitre V est irréprochable (témoignages émouvant et impressionant), et le dernier concerne le Musée de Semuy.
Pour conclure, je dirais que ce Thématique est loin d’être mauvais, mais qu’il comporte des imperfections trop nombreuses sur la forme et sur le fond pour être qualifié de « bon ». Le travail de l’auteur est sérieux, et documenté, même si l’on peut regretter qu’il n’ait pas disposé de plus de pages (et de meilleurs graphistes) pour offrir un vrai tableau complet de la bataille.
Ensuite, Il est dommage que la posture "pro"-française soit si visible et agaçante à la longue (on croirait lire du GBM).
Car en fait, malgré une tenacité et une combativité digne d'éloges, cette bataille est avant tout un échec stratégique majeur des français, qui perdirent (Whaouw, je déchire niveau conjugaisons là…) une occasion unique de bloquer toute la manœuvre de Fall Gelb au pire moment pour les allemands. Nous y voyons ainsi une Panzer-division renforcée par un régiment d'infanterie (certes c'est le GrossDeutschland), bloquer dans un combat défensif pour lequel elle n'est pas faite les assauts de deux des meilleurs (si l'on croit l'auteur et il a probablement raison) divisions françaises renforcées !
Si la "geste" des combattants engagés est épique et glorieuse, le résultat l'est moins pour le commandement, y compris au niveau divisionnaire, voire inférieur...
Un simple coup d'oeil sur une carte du secteur est éclairant sur ce bilan critiquable pour nos armées, sauf que cette carte est totalement absente, je l’ai déjà dit… mais j’insiste car c’est VRAIMENT dommage, et cet oubli confine à la faute…
De fait c’est le principal reproche que l’on peut faire sur ce travail : il est fouillé sur de nombreux détails, mais il n'y a pas de mise en situation des effets et conséquences de cette bataille (quel fut son résultat, son importance, ses effets ...?). On a l'impression qu'une analyse globale de la bataille n'a pas été faite, ou pire, que cette analyse n'a pas été publiée car peu à l'avantage des français.
Bref, un travail très complet et pourtant inachevé, tant au regard des besoins des lecteurs que des standards H & C (je pense clairement à GBM).